Le Cuir : un matériau éco-responsable ?
Le cuir est un matériau emblématique du design intérieur, mais au-delà de son esthétique, il cache une réalité complexe. Je vous propose de regarder de plus près les différents aspects du cuir, positifs comme négatifs, afin de vous aider à mieux comprendre les enjeux liés à son utilisation.
RÉFLEXION ÉCO-RESPONSABLE
Le processus de tannage, nécessaire pour transformer la peau brute en un matériau utilisable, est souvent réalisé avec des produits chimiques toxiques (tannage minéral). Les eaux usées et les déchets solides provenant des tanneries sont, dans de nombreux pays, relâchés dans les rivières, berges de rivières ou à proximité des champs, polluant les eaux et les sols. En Inde par exemple, quelque 700 tanneries déchargent dans le Gange un mélange de substances toxiques telles que l'acide sulfurique, l'acide formique, l'ammonium, et autres. Les travailleurs (qui n’ont souvent pas de protection adéquate) ainsi que les riverains subissent les conséquences néfastes de cette pollution, se manifestant par des maladies cutanées, des problèmes respiratoires et intestinaux, directement liés à la contamination de l'air, de l'eau et du sol. Or pour des raisons de coût, la production de cuir est souvent délocalisée dans ces pays où les normes environnementales sont rarement inscrites dans la loi.…
Autre point à prendre en compte : l'industrie du cuir est associée à une consommation massive d'eau (élevage bovin et fabrication, dont tannage). La production d'un simple canapé en cuir peut nécessiter des milliers de litres d'eau ! Cet aspect est souvent négligé lors de l'appréciation du cuir comme matériau durable.
Au niveau des impacts mondiaux, il faut également prendre en compte la déforestation dont l'élevage du bétail pour la production de cuir est l'une des principales causes, WWF a d’ailleurs rédigé un rapport pour alerter sur ce phénomène (3). Des étendues de forêts sont abattues pour faire place à des pâturages, entraînant la perte de biodiversité et la libération de grandes quantités de dioxyde de carbone dans l'atmosphère (en 2019, on estime que l'élevage est à l'origine d'environ 20% des émissions de gaz à effet de serre globaux - donnée de l'Institute for Climate Economics).
En termes de bien-être animal, l'élevage intensif pour la production de cuir soulève des inquiétudes. Dans de nombreux pays, les conditions de vie souvent exiguës et les pratiques d'élevage intensif suscitent des débats éthiques, soulevant des questions sur la moralité de l'utilisation du cuir dans le contexte actuel.
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On voit par exemple sur ce tableau qu’une grande partie du cuir bovin produit dans le monde provient de Chine, où il n'existe pas de sanctions contre la maltraitance animale dans l'industrie des peaux. Quant aux États-Unis et au Brésil, l’élevave bovin y est essentiellement intensif et industriel.
Alors, que faire ??
En tant que consommateurs et prescripteurs responsables, il est impératif d'adopter une approche critique lors du choix de produits en cuir. Opter pour des labels éthiques, privilégier le cuir tanné de manière végétalienne ou à base d'eau, et encourager la transparence de la chaîne d'approvisionnement sont des moyens concrets de promouvoir des pratiques plus durables.
Favoriser le "Made in France" ou le "Made in Europe" est également une stratégie efficace pour réduire l'empreinte carbone associée aux produits en cuir importés, d’autant plus que les normes environnementales y sont plus strictes et peuvent donc garantir une production plus éthique et respectueuse de l'environnement (voir plus haut). Certains producteurs européens garantissent par exemple que leur cuir est 100% naturel et biodégradable.
Une autre alternative est l’utilisation de cuir recyclé, qui est une matière fabriquée grâce à la récupération de cuirs et de chutes de cuirs, qui sont ensuite broyés et mélangés à du caoutchouc naturel (latex). Dans le domaine du mobilier et de la décoration, il est à noter qu’il est souvent recouvert de polyester (de plastique donc…) pour le protéger, le cuir recyclé étant plus fragile.
Enfin, une alternative (probablement la plus attrayante selon moi) est à considérer : la seconde main. Choisir des meubles en cuir de seconde main prolonge leur durée de vie, réduisant ainsi la demande de nouveaux produits et contribuant à la réduction des déchets et de tous les aspects négatifs vus précédemment.
En conclusion, bien que le cuir puisse évoquer un style intemporel, son utilisation soulève des questions cruciales en matière de responsabilité. En tant que consommateurs et/ou professionnels du design, notre pouvoir de choix peut façonner un avenir où l’esthétisme coexiste sereinement avec la durabilité.
Sources :
(1) https://www.petafrance.com/nos-campagnes/habillement/lindustrie-du-cuir/
(2) https://www.noah-shop.com/fr/impact-environnemental-de-la-production-de-cuir.html
(4) Fao, World statistical compendium for raw hides and skins, leather and leather footwear 1998-2014, 2015
Par ailleurs, les artisans du cuir avancent le fait qu’ils mettent en œuvre des pratiques permettant de valoriser des "déchets" provenant d'animaux destinés à la viande. Cette approche réduit le gaspillage et offre une seconde vie à des matériaux autrement négligés, contribuant ainsi à l'économie circulaire. L’industrie de la viande et du cuir fonctionnent donc en général ensemble, et le cuir représente en moyenne 40% des profits tirés de l’animal (ce chiffre est parfois plus élevé si l’animal est exploité uniquement pour sa peau, ce qui est le cas par exemple pour le crocodile ou le serpent).
Mais le cuir a plusieurs autres faces cachées qui soulèvent de sérieuses préoccupations.
Parmi les arguments en faveur du cuir, on trouve bien sûr celui de sa durabilité : le cuir a, à juste titre, une réputation de matériau robuste. Cet argument fait du cuir un choix viable à long terme car il permet de réduire la nécessité de remplacement fréquent d’un objet, en comparaison avec d'autres matériaux.
Il est à noter que dans l’Union européenne, la directive Reach s’applique. Ce cadre réglementaire européen protège le consommateur sur l’innocuité des produits et la suppression de substances dangereuses. De plus, toutes les tanneries françaises sont des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
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